samedi 26 novembre 2011

Miscellanées millénaires

Si j'ai un livre de chevet, ce sont justement les Notes de chevet
de Sei Shônagon. Il s'agit d'un recueil de textes d'une femme de lettres et d'esprit de la Cour impériale japonaise des années 1000. Au fil du pinceau, elle écrit ses pensées pêle-mêle : poèmes, courts récits, listes de choses... qui gagnent
à être peintes, qui émeuvent profondément, qui paraissent pitoyables, qui donnent une impression de chaleur, qui font honte, sans valeur, embarrassantes, qui emplissent l'âme de tristesse, qui distraient dans les moments d'ennui... et mille détails des choses du monde.
Avec délectation, je me replonge régulièrement dans cette ambiance raffinée de l'époque Heian (qui signifie paix) à Kyoto, où les nobles passaient du bon temps temps et profitaient des plaisirs de la vie : manger, boire du saké, contempler la nature, écouter de la musique, s'envoyer des poèmes et des mots d'esprit par messager, quand le téléphone portable n'existait pas.
Bref, comme aujourd'hui... ou presque.

Éditions Gallimard, Première parution en 1966, Traduit du japonais par André Beaujard, Collection Connaissance de l'Orient, n° 5, Série Japonaise, 378 pages. 

jeudi 24 novembre 2011

Bouquiner, dit-elle

L'édition chinoise.
"En matière de livres, il y a mille approches, mille accroches : un auteur, un pays, une rencontre, un genre, des circonstances, un format, une humeur, une saison, une maison, etc. Tant de choses. Tout est prétexte. Rien n'est indifférent."
Personnellement, j'ai trouvé ce livre d'Anne François en cherchant Franzen dans les rayonnages de la bibliothèque. Et je suis tombée par hasard sur ce titre, Bouquiner, et ce sous-titre encore plus amusant : Autobiobibliographie. Cet essai passionnant et personnel d'une grande lectrice, présenté en une multitude de brefs chapitres, fait réfléchir à notre propre façon de vivre la lecture. Car nos manies et nos goûts en matières de livres en disent long sur notre propre vie, pas seulement de lecteur.

Éditions Points n° 1045, 2002, 224 pages.

samedi 12 novembre 2011

David Vann, je suis fan

L'édition espagnole.
Sukkwan Island a été écrit avant Désolations par David Vann (voir chronique ci-dessous). Encore un suspens terrible qui force à poursuivre la lecture. Encore l'univers glacial de l'Alaska : sa nature sauvage et hostile. Encore une cabane sur une île déserte. Encore des rapports familiaux tendus à l'extrême jusqu'au drame. On retrouve aussi des prénoms (Jim, Rhoda) et le métier de dentiste de l'un des personnages, comme un lien entre les deux romans (qui portent tous les deux des noms d'îles dans leur version originale). Bref, c'est toujours aussi monstrueux, mais efficace !

Éditions Gallmeister, 2011, 208 pages.


mercredi 9 novembre 2011

Désolant, mais réjouissant

On peut dire qu'il y a un climat dans ce roman ! Le titre original est Caribou Island. Le titre français est Désolations (au pluriel, tant qu'à faire). Rien à voir, mais bien plus proche de l'histoire de David Vann qui, en plus, se déroule en Alaska. Brrrr... Rien qui ne m'aurait a priori attirée. Or, on m'a offert et recommandé ce livre. Je m'y attaque avec appréhension.
Dès la première page, le climat s'installe : une mère raconte à sa fille comment elle a trouvé sa propre mère pendue. Ça commence bien.
La suite est tendue : la construction d'une cabane sur une île — une activité qui devrait être sympathique — s'engage dans une atmosphère glaciale. Comment peut-on s'entêter à ce point et pourquoi ? Impossible de lâcher ce livre désolant, au suspens réjouissant. Les histoires de plusieurs couples s'emmêlent et s'en mêlent. Ça sent les dérapages pas du tout contrôlés. Au contraire, on dirait que tout le monde fonce dans le mur. Même la météo s'y met : c'est l'été, mais le froid est précoce (on est quand même en Alaska). Une tempête se lève. Bref, il y a un climat dans ce roman de Désolations tout à fait glaçant et jubilatoire !

Éditions Gallmeister, 2011, 304 pages.

mercredi 2 novembre 2011

Regarde d'où tu viens

Encore une pièce de théâtre (voir chronique ci-dessous) qui donne envie de lire l'œuvre : Quartier lointain. La manga de Jirô Taniguchi a été mise en scène par Dorian Rossel. Belle réussite de transposition, d'autant que l'histoire est fascinante : un homme de 48 ans se retrouve dans la peau du garçon de 14 ans qu'il a été. Le procédé fantastique du voyage dans le temps permet un retour sur son adolescence et l'histoire de ses parents, notamment la disparition de son père. Sa réflexion sur ce départ inexpliqué l'aide à comprendre et "réparer" son passé. Passionnant et universel.
Et même si je connaissais l'histoire (ayant vu la pièce), la manga — subtile et tendre — m'a captivée*. Située au Japon, elle est universelle et me rappelle le proverbe africain : Quand tu ne sais plus où tu vas, retourne-toi et regarde d'où tu viens.

*La préface de la manga est écrite par Sam Garbarski, réalisateur belge qui a adapté l'histoire à l'écran et l'a transposée dans la France de la fin des années 60. Décidément, elle inspire ! 

Éditions Casterman, 2006, 410 pages.