dimanche 9 décembre 2012

L'enfance Grimmée

Petite table, sois mise ! Drôle de titre pour un roman... C'est la formule magique du conte des frères Grimm qui permet à une petite table de se recouvrir aussitôt d'une nappe, de couverts et de plats fumants et bien garnis. Mais dans le roman d'Anne Serre, la table autour de laquelle se passent des choses étranges est immense, à la démesure de l'histoire orgiaque. Nous sommes donc dans l'univers du conte — contemporain, et pas vraiment pour les enfants — où les énormités sont de règle, surtout quand tout se dérègle.
Attention ! Cette histoire totalement incroyable risque de vous ensorceler et vous aspirer tout cru, ligoté aux 60 pages du livre impossible à lâcher ! Et le charme agira longtemps après.
Dans la maison de l'ogre, il y a une ogresse exaltée, envoûtée par le démon de l'amour, qui semble droit sortie du cabaret burlesque. Il y a trois filles dévergondées par les coups de braguette magique de leurs parents et des amis de leurs parents.... (ils ont l'inceste joyeux dans la famille, et pas égoïste). C'est la fête tous les jours, dans la joie, la bonne humeur (malgré le caractère irascible et brutal du père, mais on est un ogre ou on ne l'est pas) et le complet dérèglement des sens de la famille ! Sade n'est pas leur cousin, mais serait fier d'eux.
Malgré ce passé — que d'aucuns jugeraient monstrueux et traumatique —, la jeune narratrice raconte son histoire sans se départir de sa candeur et de sa gaîté. Mais finalement, le thème de ce roman pourrait être : comment la littérature vient aux filles. Car, s'il n'y a pas ce qu'on pourrait appeler une "morale", il y a bien une formule magique :
"Et je trouvai que tout était bien, que le monde traçait en riant des boucles, des volutes, qu'il suffisait — comme je l'avais toujours su, toujours cru — d'être extrêmement attentif pour que vivre vous procure une joie terrible, pour que se fabrique une œuvre d'art grâce à votre corps, à vos mains, à vos yeux, à votre pauvre cœur brisé."
Sublimez, sublimez, il en restera toujours quelque chose !

Éditions Verdier, 2012, 64 pages.

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