vendredi 29 mars 2013

Ne pas se dérober à La Dérobade

Les éditions Phébus ont réédité en 2007 ce livre choc paru en 1976 : La Dérobade de Jeanne Cordelier — un choc dû aussi bien au fond qu'à la forme. Dans un argot parfois fleuri et imagé, souvent brutal et réel, il raconte l'exploitation sexuelle, la peur au ventre, à la merci de la violence, pour un oui ou un non, au coin d'une rue à cause d'un regard mal interprété ou dans une chambre sans sonnette avec un dingue, sans parler des coups du maquereau.
Benoîte Groult ajoute une page, trente ans plus tard, à sa première préface, où elle affirme :
"Le récit de Jeanne Cordelier a tout juste trente ans. Il pourrait en avoir cent et avoir été écrit hier. Tant la douleur est éternelle et tant "l'espérance est violente" et tant le talent n'a pas d'âge. Comme pour mieux s'y résigner, on répète que la prostitution est le plus vieux métier du monde. Hélas ! c'est aussi le plus jeune."
Jeanne Cordelier précise dans la postface de cette dernière édition :
"les plus jeunes générations (...) ne doivent pas ignorer que parmi les horreurs dont l'homme est capable, la prostitution a sa place. Et laquelle ! Une place d'honneur depuis la nuit des temps. Combien de femmes en effet ont été sacrifiées sur son autel ? Des millions ! On ne parle jamais d'elles, ou si peu et si mal..."  
Voilà pourquoi c'est une lecture à laquelle il ne faut pas se dérober. Un témoignage éprouvant, mais d'utilité publique, car combien d'autres ne reviennent jamais de cet enfer ?

Éditions Phébus, 2007, 432 pages. 

mardi 26 mars 2013

Le festival qui dit son nom : Le chiant

Le concept est drôle et joue sur l'auto-dérision. Le Festival international du film chiant, ou Fific (mais l'acronyme est moins hilarant avec son air de nom de chien) ou carrément Le Chiant, a trouvé un excellent moyen pour faire parler de lui : son nom. Le festival international du film "exigeant" aurait moins fait le buzz, mais plaira tout autant aux cinéphiles avides de perles rares et anti-blockbusters.
En fait, voilà un festival qui demande à son public un petit effort pour des chefs d'œuvre un brin difficiles, qui présentent quelques handicaps commerciaux, qui poussent le bouchon du divertissement au-delà du basique, mais qui valent le coup qu'on s'y intéresse.
Comme le précise le site du festival, il s'agit de films qui ont le défaut d'être : muets, égocentriques, trop longs, courts, expérimentaux, amateurs, contemplatifs, lents, sociaux, art-vidéo, low-fi (son pourri), narratifs ou politiques... Espérons qu'ils ne cumulent pas plusieurs de ces critères comme le film de Apichatpong Weerasethakuln, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, qui a reçu la Palme d'Or à Cannes en 2010 et à qui je décerne la Palme du film chiant. Ceci dit, par principe, j'admire Tim Burton qui a pris le risque de récompenser ce film insupportable, ne serait-ce que pour donner une chance à un cinéaste thaïlandais qui aurait pu tomber dans l'oubli (d'autant que son nom à lui ne marque pas facilement les esprits). Que celui qui a vu ce film, et ne s'est pas mortellement ennuyé, me laisse un commentaire. Mais je vous rassure, il n'est pas au programme de ce festival très sérieux mais qui ne prend pas au sérieux.
Côté pratique, vous trouverez sur le site du festival international du film chiant tous les détails de la programmation et des lieux, du 28 mars au 14 avril 2013 à Marseille, dans le cadre de Marseille 2013 Off.



mercredi 20 mars 2013

Surréalisme japonais

Quel étrange style que celui de Genichiro Takahashi ! Sayonara gangsters est son premier livre traduit en français, mais aussi son premier roman paru en 1982 au Japon, où il serait un auteur culte. Pendant un séjour en prison pour activités antigouvernementales alors qu'il était étudiant, il aurait subi des troubles du langage. Ses médecins l'aurait alors encouragé à écrire. Depuis, il est professeur d'Université et a publié une vingtaine de romans et essais.
Dans Sayonara gangsters, on rencontre des personnages et animaux surréalistes aux attitudes étonnantes et propos déconcertants. Le narrateur est professeur de poésie, d'un style très libre, et tente d'initier des élèves qui semblent tous arrivés dans sa classe par hasard.
Cela va paraître contradictoire mais cette liberté d'écriture débridée, pas toujours facile, fait plaisir à lire. On se croirait dans un rêve violent, poétique et sensuel.

Books éditions, 2013, 224 pages.

lundi 18 mars 2013

"Interdit aux Japs"

Ce serait une suite chronologique de Certaines n'avaient jamais vu la mer (lire la chronique correspondante), mais Julie Otsuka a écrit Quand l'empereur était un dieu, avant. C'est d'ailleurs son premier roman qui s'inspire de faits historiques et familiaux : la déportation de ses grands-parents en camps de concentration pour les citoyens américains d'origine japonaise, considérés comme suspects dès l'attaque de Pearl Harbor.
Le style est factuel, sans pathos : il décrit le quotidien d'une famille séparée (le père d'un côté, la mère et ses deux enfants de l'autre) qui se voient rejetés du jour au lendemain, sommés de partir sans savoir où, de quitter leur maison avec une valise et de se retrouver parqués dans un désert de l'Utah pendant trois ans et cinq mois. Après Hiroshima, ils ont le droit de revenir dans leur maison, dévastée, comme leurs vies, dans un climat hostile. Après la folie de la guerre, rien n'est plus pareil.
Encore d'autres ressortissants qui sont passés à côté du rêve américain.

Éditions Phébus, 2004, 192 pages.

mercredi 13 mars 2013

Les tortues marines racontées aux enfants

 
C'est pour faire découvrir sa passion de la nature et de la faune à ses enfants que Frédéric Presles a écrit les aventures de Trystan le conquérant et les tortues marines, qui sera suivi de cinq autres épisodes sur l'année 2013. Ce premier de la série s'adresse aux enfants de 7 à 77 mois, et plus, pour leur faire connaître la vie des tortues marines, de façon ludique et didactique. Les illustrations sont de Vincent Franchi. Le petit livre existe en version papier, joliment présenté dans une pochette en tissu et accompagné d'un film documentaire sur ces animaux marins. Il est également disponible en version numérique.
En effet, une nouvelle maison d'édition numérique a été créée fin 2012 par Frédéric Presles et Marianne Alivon : 1961 Digital Edition. L'objectif est de proposer des livres sur la nature et les animaux à prix abordable, mais aussi de rendre accessibles des titres épuisés, notamment des romans noirs d'auteurs marseillais comme Carrese, Scotto ou Thomazeau.

Pour en savoir plus sur cette maison d'édition, son catalogue et ses auteurs, et commander :
www.1961digitaledition.fr

mardi 12 mars 2013

La face sombre du rêve américain

Donald Ray Pollock a publié son premier recueil de nouvelles, Knockemstiff, à l'âge de 54 ans, après avoir travaillé 32 ans dans une usine de pâte à papier à Chillicothe (Ohio). Son deuxième ouvrage, Le diable, tout le temps, est paru en 2011 et il est rapidement considéré comme un des meilleurs romans de l'année. À juste titre. L'auteur est venu sur le tard à l'écriture mais excelle à décrire la face sombre des gens dans une succession fascinante d'actions et de rebondissements.
C'est un chef d'œuvre d'une noirceur inouïe où les personnages — laissés pour compte du rêve américain : asociaux, vétéran, prédicateur obsédé, shérif véreux, photographe psychopathe, serveuses vénales... — penchent plus facilement du mauvais côté, à cause des circonstances, des malheurs de la vie, de l'alcool, des armes, de la violence quotidienne...
Ces 369 pages se dévorent à toute allure.

Éditions Albin Michel, 2012, 384 pages.

mardi 5 mars 2013

Chasse au trésor poétique au Panier

Dans le cadre du Printemps des poètes, le Collectif des Femmes du Panier, à Marseille, organise une manifestation poétique, après La semaine des haïkus de 2012.
Pour 2013, durant le week-end du 22 et 23 mars, il s'agit d'une invitation à une balade poétique dans les ruelles du Panier, inspirée du livre de Ray Bradbury et du film de François Truffaut : Fahrenheit 451.
Le principe est de reconstituer un poème, à travers une chasse au trésor poétique, en découvrant chaque vers dans les lieux participant à l'opération. Ces lieux font partie du Collectif des Femmes du Panier, créé en mars 2012 et animé par Eva Chevallier-Kausel. Ce collectif informel de femmes et hommes rassemble des artistes, artisans et commerçants du quartier du Panier. Son objectif est d'organiser des manifestations pour faire connaître ces ateliers, boutiques, petits commerces et autres professionnels du plus vieux et plus pittoresque quartier de Marseille.
L'événement se veut également un soutien à la bibliothèque du Panier menacée de fermeture.
Rendez-vous les 22 et 23 mars pour fêter le printemps en poésie au Panier.




Pour en savoir plus :
La Chasse au trésor poétique
Le Collectif des femmes du Panier