jeudi 17 octobre 2013

Voyage au pays d'Ozu

Dans la collection "Vert Paradis" des éditions Hermann, des auteurs écrivent sur le cinéma.
Jacques Laurans, dans Père éternel, commente et interprète librement le film Il était un père de Yasujiro Ozu. Le texte poétique et touchant suit le cours du film et recrée cette atmosphère particulière des films de Ozu — épurée, intime, nostalgique — où chaque chose est à sa place, où chaque plan est une composition parfaite. 
"À la sortie d'un film, il y a ce moment trouble, indécis, parfois proche du malaise. Nous le connaissons tous. Lorsqu'il nous faut revenir au monde, à la lumière du jour. Ce n'est pas exactement un réveil. Nous n'étions pas endormis. Mais plutôt comme la sortie d'un rêve, avec cet effort de conscience unique, très particulier qu'il faut entreprendre, et revivre, par le corps et la pensée.
Je dois maintenant quitter cette existence qui n'est pas la mienne ; abandonner ce vêtement trop grand qui trahit le personnage que je ne suis pas.
Dehors, la lumière toujours trop blanche, trop forte.
Je ne me sens pas réel."
 Éditions Hermann, Collection "Vert Paradis", 2013, 108 pages. 

mardi 15 octobre 2013

Retour au Japon

Parmi l'abondante bibliographie d'Amélie Nothomb, ce sont ses livres qui parlent du Japon que je préfère. La Nostalgie heureuse est son 22e roman et en fait partie. Il s'agit d'un retour au Japon à l'occasion d'un reportage pour la télévision (Amélie Nothomb, une vie entre deux eaux), d'où la notion très japonaise de nostalgie heureuse (natsukashii).
Les retrouvailles avec sa nourrice sont poignantes, celles avec son ex-chéri (lire Ni d’Ève ni d’Adam) sont plus drôles, surtout quand elle lui avoue qu'à l'époque où ils se fréquentaient, elle était folle et qu'elle se dit qu'elle l'est probablement encore. Cela se conçoit aisément à la lecture de Stupeur et tremblements qui laisse stupéfait et tremblant, justement, devant tant d'invraisemblances et de faux pas. On lui pardonne volontiers ses impairs puisqu'elle les admet si volontiers et n'hésite pas à se moquer d'elle-même (et parfois des autres), avec beaucoup d'humour.
L'incipit est une énigme : "Tout ce que l’on aime devient une fiction." Est-ce qu'on ne peut raconter la réalité ? Est-ce qu'on veut enjoliver ce que l'on aime ? Est-ce que la vie est un roman à partir du moment où on l'écrit ?
Quoi qu'il en soit, ce récit-roman se lit vite et avec grand plaisir.

Éditions Albin Michel, 2013, 162 pages.