mercredi 27 août 2014

Deux sœurs

Revoilà la sympathique Joyce Maynard avec un nouveau livre traduit et publié par son éditeur français, Philippe Rey. Après ses autobiographies Et devant moi, le monde et Une adolescence américaine, c'est avec le roman L'homme de la montagne qu'on retrouve son style enjoué, apparemment spontané, sans façon, et tellement juste et profond, cru à l'occasion.
Le sujet n'est pas léger : inspiré d'une histoire vraie à propos d'un tueur en série. Contrairement à ce que laisse supposer le titre, il s'agit avant tout de l'histoire de deux sœurs, très proches et livrées à elles-mêmes, et de leur relation à leur père, inspecteur de police chargé de l'enquête pour retrouver le criminel — ce qui donne lieu à de magnifiques portraits.
Et comme on sent le danger planer, annoncé dès le début, on est tenu en haleine et on ne lâche plus le livre jusqu'aux remerciements en fin d'ouvrage...
Rebondissements, histoires dans l'histoire : belles surprises en série.

Éditions Philippe Rey, 2014, 320 pages. 

dimanche 24 août 2014

L'expérience Josipovici

Lire un livre de Gabriel Josipovici, c'est vivre une expérience.
Dans Moo Pak, le narrateur rapporte ses conversations avec son ami écrivain Jack Toledano, lors de promenades à travers Londres. On n'a pas l'impression de passer du coq à l'âne et pourtant, comme dans une discussion d'un seul tenant, à bâtons rompus, on passe d'un sujet à l'autre sans presque s'en rendre compte. Il est beaucoup question de langage, d'écriture, de littérature (Kafka, Dante, Homère, Proust, Swift...), de livres en train de s'écrire, et autres façons de vivre...
"Il est très difficile d'écrire quand on est seul, dit-il. On se demande en permanence pourquoi on le fait et si, comme moi, on est profondément méfiant de la notion d'inspiration et de la notion que l'on a quelque chose à dire au monde, alors la tentation de se tourner vers quelque chose qui en vaudrait évidemment davantage la peine est très grande. D'autre part, dit-il, il est presque impossible d'écrire quand on n'est pas seul."
Je ne dévoilerai rien de la fin, magistrale, et qui fait que ce livre existe et qu'il est unique.

Quidam éditeur, 2011, 192 pages.
En France, une grande partie de l'œuvre de Gabriel Josipovici est publiée par Quidam Éditeur.

Lire aussi mes chroniques sur :
- Tout passe ;
- Goldberg : Variations ;
- Infini - l'histoire d'un moment.

samedi 16 août 2014

Voyageur enthousiaste au Japon

Faute de voyager au Japon, j'ai suivi avec plaisir, dans Malgré Fukushima - Journal japonais, le séjour qu'Éric Faye a effectué au Japon pendant quatre mois d'été et d'automne 2012, sillonnant l'archipel du nord au sud, avec pour camp de base la villa Kujoyama à Kyoto. Il faisait partie des derniers lauréats avant la restauration des lieux et sa réouverture en septembre prochain.
Dans la tradition japonaise des notes de chevet initiées par Sei Shōnagon (qu'il cite en exergue), son journal au style vivant est agrémenté de photos — trop petites, elles mériteraient une édition spéciale —, d'anecdotes et d'informations. Un esprit curieux et délicat.
"Voyer m'intrigue. Je viens d'atteindre les quarante-neuf ans avec toujours le même enthousiasme pour l'ailleurs. Dans quel but est-ce que je voyage ? Je l'ignore. Par habitude ? Les habitudes ne procurent pas autant de joies. Les habitudes rassurent. Voyager est tout autre chose. Autant le fait de vouloir voyager m'intrigue, autant la vie sédentaire m'est insupportable. Peut-être suis-je ainsi fait que je n'ai d'autre choix que de changer de lieu régulièrement, pour rompre avec l'impression que rôde autour de moi une petite mort."

Éditions José Corti, 2014, 160 pages.

dimanche 3 août 2014

Ode à la vie, ode à la poésie !

Il y a longtemps que je n'avais pas vu une comédie aussi charmante, rafraîchissante et drôle : le film Maestro de Léa Fazer, hommage à Éric Rohmer et Jocelyn Quivrin qui devait initialement réaliser le film, inspiré de sa propre expérience.
Un acteur foufou (irrésistible Pio Marmaï), plus intéressé par les films à gros cachets, les belles voitures et les jolies actrices, se retrouve sur le tournage des Amours d'Astrée et de Céladon, le dernier film du maestro (magistral Michael Lonsdale), passionné de poésie et de textes classiques. Le choc des cultures crée l'effet comique tout au long du film. Au fur et à mesure, cette rencontre s'avèrera bouleversante et décisive — initiatique — dans la vie du jeune comédien qui découvre un autre art de vivre.
Comme dit le personnage de Michael Lonsdale : "La poésie, il n'y a rien à comprendre, il faut la sentir, la vivre et... il faut avoir été malheureux en amour, peut-être."
Voilà un film désopilant qui donne envie de se laisser traverser par la mélancolie et la délicatesse, de lire ou relire les grands classiques, les poèmes de Verlaine et surtout de revoir les films de Rohmer...