jeudi 25 juin 2015

Ceux qui rendent la mort plus douce

Avant, j'étais dans le déni. La mort ? Ce truc de vieux ou de malade, morbide et mortifère ? Oui, mais quand la mort est un truc de jeune qui frappe sans prévenir... elle force à la regarder en face, ce qui finit par ouvrir les yeux. Tôt ou tard, il va falloir s'y confronter et, le paradoxe, c'est qu'en observant de plus près, ce n'est pas si morbide ni mortifère. Alors, qu'est-ce que la mort ? Comment vit-on et meurt-on aujourd'hui en France et dans le monde ?
Patrice Van Eersel, journaliste et écrivain, fait partie de ces auteurs qui ont enquêté sur ce qu'il se passe, juste avant et juste après la mort, et il en parle de façon aussi bouleversante que captivante.
Dans La source noire, il explore les expériences de mort imminente et rencontre les pionnières (oui,  ce sont souvent des femmes) des soins palliatifs — comme Elisabeth Kübler-Ross ou Michèle Salamagne.
Dans Réapprivoiser la mort, il poursuit son enquête sur ces professionnel(le)s et bénévoles qui accompagnent les mourants et font en sorte de rendre la mort plus douce. Oui, plus douce, plus calme, plus humaine. Presque incroyable, mais vrai.
Il interroge également des scientifiques sur l'avancée des recherches sur les mystères de la fin de vie.
Des lectures indispensables et émouvantes.

Du même auteur, lire aussi ma chronique sur J'ai mal à mes ancêtres, livre d'entretiens des spécialistes de la psychogénéalogie.

samedi 20 juin 2015

Heureux dans les jardins du monde

Une petite semaine ailleurs. J'ai emporté beaucoup trop de livres à lire en si peu de jours et de nuits, mais je ne peux pas m'empêcher de farfouiller quand même dans la bibliothèque sur place. On ne se refait pas.
Voilà mon excellente trouvaille du jour : la bande dessinée Une vie sans Barjot, un récit d'Appollo avec des dessins et couleurs d'Oiry.
L'histoire : les tribulations de Mathieu, un ado de 18 ans, pendant la dernière nuit dans la ville de son enfance avant son départ à Paris pour ses études.
Les personnages : ses copains, comme Barjot le skateur, Christophe qui veut embarquer sur un cargo, Fred le plus cool ; mais aussi les jolies filles de la classe, dont Noémie dont il est secrètement amoureux depuis la seconde.
Un concert, des déambulations nocturnes, une bagarre, une fête où il entraîne ses copains et où il espère retrouver Noémie...
Quand même, il y avait un truc un peu flippant à voir ces types dont le crâne commençait à se dégarnir se comporter comme n'importe quel ado de mon bahut. Est-ce qu'à partir de 18 ans l'idée qu'on se fait de la fête ne bouge plus pour le restant de notre vie ?
Voilà un charmant voyage initiatique le temps de la traversée d'une nuit, entre déprimes et rêves d'adolescents, questionnements sur la vie d'adulte, évocations littéraires et émois amoureux.
Une bande dessinée, joliment dessinée, bien écrite, poétique et intelligente.

Éditions Futuropolis, 2011, 64 pages.

- Voir aussi ma chronique sur La grippe coloniale, du même scénariste, c'est-à-dire Appollo, alias Olivier Appollodorus, également un des auteurs publiés dans la revue Kanyar.

mardi 16 juin 2015

Putes et soumises

Qu'est-ce que la prostitution ? Le plus vieux métier du monde ? Un mal social nécessaire ? Un fantasme culturel ? Une façon de gagner de l'argent rapide et facile ? Un vrai choix ? Un des travers de la domination masculine ? Une addiction ? De l'esclavagisme ?
À qui cela profite ? Aux filles ? Aux clients ? Aux proxénètes ?
Sophie Bouillon, journaliste*, pose des questions dans son livre Elles, Les prostituées et nous. Elle obtient certaines réponses quand d'autres restent en suspens devant une situation aussi sensible que disparate, avec une multitude d'intervenants, jusqu'à l'État et sa législation, en plein débat.
Elle dresse une série de portraits de filles — Camilla, Laurie, Maria, Precious, et autres pseudos pour de vraies personnes — qu'elle a rencontrées sur leurs lieux de travail, à Paris, Bruges, Genève...
Elles disent jouer un rôle, changent d'identité, mentent aux clients... Alors pourquoi ne mentiraient-elles pas à la journaliste qui leur demande si elles sont là de leur plein gré et si elles ont choisi ce métier ? Pourquoi ne se mentiraient-elles pas à elles-mêmes, comme l'affirme une ancienne prostituée ? Rares sont celles qui réussissent à sortir de leur milieu et de l'engrenage, et encore plus rares sont celles qui osent parler de leur passé — un lourd secret.
On ne nait pas prostituée. On ne se dit pas un jour, "Oh ouais, tiens, chouette, je vais aller me prostituer". Il y a des facteurs qui font que l'on entre dans la prostitution.
La journaliste participe également à des rondes de policiers de la BAC et raconte l'absurdité et la perte de temps d'avoir à arrêter des filles pour racolage, sachant qu'elles risquent des violences de la part de leurs proxénètes.
Et les clients ? Qui sont-ils ? Que viennent-ils chercher ? La prostitution serait-elle "une addiction, d'un côté comme de l'autre", comme le suggère un ancien client ? Là aussi, qui ose parler ? Ce n'est pas la même démarche de fréquenter la rue Saint-Denis et de faire appel aux "escorts".
Sophie Bouillon rencontre aussi un rabatteur, une tenancière de boîte de lap dance qui décrit les subtilités de la loi anti-proxénétisme, qui tiennent parfois à une ficelle de string...
En plein débat sur la proposition de loi, ce livre pose des questions de société où le déni et les clichés cachent une réalité très loin de la guimauve et du conte de fée de Pretty Woman.
"Les prostituées ont le droit d'être prostituées mais n'ont pas le droit d'avoir des clients." L'absurdité d'une loi qui ne s'assume pas.

* Elle a reçu le prestigieux prix Albert Londres en 2009.

Éditions Premier Parallèle, 2015, 120 pages.
- Voir un extrait de l'émission 28 minutes du 9 juin 2015, sur Arte, où était invitée Sophie Bouillon.

- Lire aussi ma chronique sur La dérobade de Jeanne Cordelier.

samedi 13 juin 2015

Le guide anti-mythes sur le cerveau

Un autre livre passionnant des éditions Le Pommier sur le cerveau* : Mon cerveau, ce héros - Mythes et réalités d'Elena Pasquinelli, philosophe impliquée dans les sciences cognitives et les neurosciences, et dans l'éducation.
En justicière de la réalité, l'autrice met en pièces quelques "neuromythes", subtils ou édifiants. 
Partant du principe que les études scientifiques sont parfois mal interprétées ou simplifiées, quand elles ne sont pas menées de manière peu rigoureuses, des informations biaisées circulent. Par exemple, on prête à l'écoute de la musique classique des influences sur le cerveau qu'elle n'a pas, comme le soi-disant "effet Mozart". Les mythes de ce genre sont légion et on sait que les mythes (voire les tentatives de démythification) ont la vie dure.
Voilà un guide de voyage au pays des mythes qui aide à ne pas prendre toute information pseudoscientifique pour argent comptant : c'est souvent de la science-fiction (ici, retenez surtout le mot fiction).
Dans la liste, on croise les soi-disant super-pouvoirs du cerveau ou ses capacités bien ordinaires qui — hélas ! — nous jouent des tours. Ou pourquoi il faut se méfier des témoins oculaires, de notre mémoire et des illusions d'optique, qui crèvent les yeux.
D'autres mythes tenaces sur le cerveau concernent son anatomie ou ses fonctions. Par exemple, bien que la science ait encore des progrès à faire, on croit encore qu'on n'utiliserait que 10 % de ses capacités. Idem pour les soi-disant caractéristiques du cerveau droit et du cerveau gauche dont l'un serait le siège de la créativité et l'autre de la rationalité, ou l'un plus utilisé par l'homme et l'autre par la femme. De prétendues études scientifiques soutiennent également des méthodes éducatives d'entraînement — avec de forts intérêts commerciaux — sensées "muscler" le cerveau (or, ce n'est pas un muscle) ou le stimuler pour rendre plus intelligent, ou d'autres qui prétendent que tout se joue avant 3, 6 ou 9 ans, c'est selon. Or, une certaine plasticité cérébrale, malgré des limites et des contraintes, permet d'apprendre tout au long de la vie. 
Mais, plus je simplifie et plus je joue le jeu des mythes, donc rien de tel que de lire Elena Pasquinelli qui explique dans le détail pourquoi nous sommes si crédules, pourquoi les études scientifiques ne sont pas toujours fiables et pourquoi les mythes persistent (entre autres, parce qu'ils sont séduisants).
 "Il n'existe pas d'histoire simple derrière le fonctionnement du cerveau, et toute simplification risque de trahir la réalité."
C'est passionnant, même si, parfois, on ne sait plus à quel saint se vouer...
L'objectif est de continuer à se servir de son cerveau, en restant curieux, exigeants et responsables devant l'information.

Éditions Le Pommier, 2015, 234 pages.

* Voir aussi Peut-on manipuler notre cerveau ?

D'autres chroniques sur le cerveau :
- 101 astuces pour mieux penser - Débloquez le potentiel de votre cerveau ! de Xavier Delengaigne
- Le cerveau peut-il faire deux choses à la fois ? de Fiamma Luzzati
- La femme qui prenait son mari pour un chapeau de Fiamma Luzzati
- Mon cerveau, ce héros - Mythes et réalités d'Elena Pasquinelli
- Vivre Penser Regarder de Siri Hustvedt
- La femme qui tremble - Une histoire de mes nerfs de Siri Hustvedt

jeudi 11 juin 2015

Jusqu'où peut-on "laver" le cerveau ?

Christian Marendaz, professeur de neuropsychologie cognitive, répond dans son petit livre didactique à la question : Peut-on manipuler le cerveau ? Car oui, on peut, d'une certaine manière.
Mais d'abord qu'est-ce que le cerveau ? Quelles sont les interactions avec la pensée et l'esprit ? Comment l'un modifie les autres et inversement ? Quelle révolution ont connu les neurosciences ces dernières années ? Après de brefs rappels sur le fonctionnement du cerveau, nous apprenons, entre autres, que le langage, mais aussi l'empathie où les valeurs morales, correspondent à certaines zones du cerveau.
Grâce à certaines stimulations, des maladies (Parkinson, dépression sévère...) peuvent être atténuées.
Sans recours à ces techniques ultra-sophistiquées, nous pouvons modifier notre cerveau d'autres façons, plus ou moins bénéfiques : médicaments, drogues, apprentissage... Par exemple, les chauffeurs de taxi de Londres, qui mémorisent des dizaines de milliers de noms de rues et de lieux, ont la partie postérieure droite de l'hippocampe très développée par rapport à la normale. Ceci n'est pas valable pour les utilisateurs de GPS ni pour les chauffeurs de bus qui suivent toujours les mêmes trajets...
Autres moyens de stimuler le cerveau : le sommeil, qui permet notamment de consolider les connaissances acquises dans la journée, mais aussi les états de conscience modifiée, tels que l'hypnose ou la méditation.
Par ailleurs, le dialogue cerveau-machine — neurofeedback ou biofeedback — peut soulager le stress ou certains troubles (migraine, épilepsie, insomnie...).
Enfin, vu les progrès de la science et puisqu'on peut manipuler le cerveau, quelles sont les limites acceptables, les dérives possibles et qu'en est-il de l'éthique ? On peut imaginer qu'à l'instar de la chirurgie esthétique, la stimulation magnétique ou électrique du cerveau (pour améliorer l'apprentissage et la créativité, par exemple) pourrait susciter des demandes et des vocations...
Inutile d'avoir un cerveau surdimensionné pour lire cette petite mise au point passionnante, mais il est certain qu'avec le plaisir d'apprendre, il "dégourdit les méninges" !

Éditions Le Pommier, Collection Les Petites Pommes du Savoir, 2015, 128 pages. 

D'autres chroniques sur le cerveau :
- 101 astuces pour mieux penser - Débloquez le potentiel de votre cerveau ! de Xavier Delengaigne
- Le cerveau peut-il faire deux choses à la fois ? de Fiamma Luzzati
- La femme qui prenait son mari pour un chapeau de Fiamma Luzzati
- Mon cerveau, ce héros - Mythes et réalités d'Elena Pasquinelli
- Peut-on manipuler notre cerveau ? de Christian Marendaz
- Vivre Penser Regarder de Siri Hustvedt
- La femme qui tremble - Une histoire de mes nerfs de Siri Hustvedt

mardi 9 juin 2015

L'anti-harcèlement moral au travail

Votre chef est un tyran odieux, incompétent et/ou de mauvaise foi qui abuse de son pouvoir ?
Voici Comment pourrir la vie de son patron. Philippe Dylewski et ses compères Les Vengeurs Masqués (responsable de ressources humaines, consultant, cadre supérieur, dirigeants) vous ont concocté 170 pages d'astuces (parfois énormes ou très risquées), sales coups politiquement incorrects et blagues franchement potaches, à ne pas prendre au pied de la lettre (mais plus c'est gros et plus c'est drôle). Ou comment adopter, avec burlesque (et le risque de saboter toute l'entreprise), le contre-pied du harcèlement moral au travail.
Vous l'avez compris, l'objectif de ce livre n'est pas de vous donner des idées de vengeance (à moins d'être psychopathe), mais de vous divertir, de vous servir de défouloir ou de vous procurer quelques parades pour ne plus vous laisser pourrir la vie, car la meilleure riposte est de montrer à l'autre que sa bêtise n'altère en rien votre bonne humeur.
Idéal pour décompresser en vacances (avant de passer à des lectures plus sérieuses ou positives, dont les exemples foisonnent dans ce blog).

Éditions Fayard, 2015, 178 pages.

vendredi 5 juin 2015

Racines et vieilles branches

Qu'on le veuille ou non, qu'on haïsse ou qu'on aime sa famille, on fait partie d'un clan qui influe sur notre destinée.
Patrice van Eersel et Catherine Maillard ont interviewé pour ce petit livre passionnant — J'ai mal à mes ancêtres (La psychogénéalogie aujourd'hui) — des spécialistes en la matière.
Sept rencontres et entretiens pour faire un tour de la question et aller ensuite explorer plus en profondeur dans ses racines et les œuvres de chacun, grâce à la bibliographie et aux contacts en fin d'ouvrage.
(Voir aussi mes autres chroniques en cliquant sur les noms en vert.)
Ces grands noms sont : Anne Ancelin Schützenberger (empreintes des ancêtres), Alexandro Jodorowsky (l'arbre magique de la famille), Bert Hellinger (constellations familiales), Didier Dumas (fantômes et anges), Chantal Rialland (la famille en nous), Serge Tisseron (secrets de famille) et Vincent de Gaulejac (lutte des places et névrose de classe).
À vos arbres !

Éditions Albert Michel, 2012, 204 pages.