samedi 19 septembre 2015

Apocalypse noire

Charøgnards de Stéphane Vanderhaeghe est un objet rare où le fond et la forme s'imbriquent pour jouer avec les codes de l'écriture et de l'édition : langage, mise en page, ponctuation, pagination, couleur des pages... Tout repère est perdu, réinventé, dans la présentation comme dans l'intrigue. Le livre joue aussi avec notre imagination et nos nerfs, jusqu'au bout. Il est d'ailleurs difficile de le lâcher alors qu'on sait, dès les premières pages et au vu des dernières pages (qu'on n'a pas pu s'empêcher de regarder : grises, puis complètement noires), que ça va forcément mal finir.
Que se passe-t-il exactement ? Le journal dont il est question est-il celui du dernier homme, comme le laisse supposer le premier chapitre dans une étrange langue que l'on déchiffre aisément ? Est-il celui d'un psychotique, voire d'un criminel, qui réécrit sa propre histoire ? Ou d'un scénariste piégé dans sa trame ou qui nous piège à notre tour ? Des diverses versions qu'il réécrit, quelle est la vraie ?
Beaucoup de mystères, de suspense et de parts d'ombre jouent sur la noirceur et les oiseaux de mauvaise augure qui rognent l'espace, envahissent tout. Les gens et les choses disparaissent, partis ou morts, peut-être dans des trous de mémoire.
Et si tout n'était que pure invention d'écrivain doué et joueur ?

Heureusement, dans cette ambiance d'apocalypse noire et suffocante, quelques traits d'humour apportent un peu d'air frais :
"Personne évidemment ne viendra à lire ces lignes." 
(Je souhaite au contraire de nombreux lecteurs à Charøgnards.)
Et après une scène où un oiseau est massacré :
"(Aucun corbeau n'aura été maltraité au cours de l'écriture de cette scène.)
Un premier roman brillant, étonnant, insolite et singulier, qui trouve donc tout naturellement sa place dans le catalogue hors du commun de Quidam Éditeur.

Quidam Éditeur, 2015, 272 pages.
Le site de l'auteur : À l'intérieur du crâne.

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