vendredi 19 février 2016

Le dictionnaire qui manquait !

Voilà un brillant ouvrage qui manquait : le Dictionnaire des mots manquants.
Dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet, au total quarante-quatre écrivains — d'Élisabeth Barillé à Julie Wolkenstein — se sont prêtés au jeu de cerner le mot qui leur manque pour désigner une situation, une idée, un sentiment... Chacun d'eux a relevé le défi en répondant de façon totalement libre et personnelle, selon son style, sa poétique, sa forme particulière. Cela donne un tout d'une grande richesse, une véritable œuvre collective littéraire, très agréable à lire. Et l'occasion, au passage, de découvrir des écrivains qui manquent à nos lectures et qui donnent envie d'explorer davantage leurs œuvres.
Les mots en questions manquent toujours car l'objectif du dictionnaire n'est pas de créer des néologismes mais de décrire des territoires de sens de la langue française. Et ce qui ne manque pas, en revanche, ce sont les mots pour le dire. Bien sûr, la liste n'est pas exhaustive.
Pour citer quelques exemples, un mot manquant a inspiré plusieurs écrivains : cette notion qui exprimerait un sentiment entre amour et amitié, notamment quand on a aimé quelqu'un d'amour et qu'on l'aime ensuite d'amitié (tous les ex ne se transformant pas en monstres).
Et en parlant d'amour, Claire Tencin pointe cette appellation manquante qui pourrait désigner ce "compagnon-petit-ami-chéri" qui n'est ni un ami, ni un mari et ne se réduit pas à un amant. Aucune proposition n'est satisfaisante.
Sans parler des mots qui n'ont pas de féminin, ce qui est tellement injuste ou parlant, justement, en termes d'influence sur la langue des rapports hommes-femmes. Véronique Ovaldé se penche sur les mots en -eur censés avoir leur féminin en -ice. Et ce fameux auteur qui donnerait auteure. Personnellement, je lui préfère autrice qui sonne un peu faux, mais qui remet les pendules de l'Académie française à l'heure : elle aurait sciemment écarté la version féminine du mot, arguant du fait qu'une femme ne pourrait pas être un auteur. Alors je crie à l'imposteur ! d'autant que le féminin d'imposteur n'existe pas non plus.
Ce dictionnaire est un pur régal pour qui aime les mots car, comme l'écrit Renaud Ego : "Il y a une joie enfantine à découvrir le nom juste des choses". Il y a surtout un plaisir sans fin à lire le talent de ces écrivains pour dessiner les contours de ces mots absents.

Éditions Thierry Marchaisse, 2016, 216 pages.

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