jeudi 17 novembre 2016

Le dernier des Targot

Dans Grossir le ciel de Franck Bouysse, les rudes paysages cévenols sous la neige plantent un décor idéalement austère pour un roman noir. C'est en voyant Paul Argot dans Profil paysans de Raymond Depardon, ce paysan taciturne aux cheveux longs qui vit reclus dans sa montagne avec ses animaux, que l'auteur a eu l'idée du personnage de Gus, le dernier de la famille Targot. Pour ceux qui ont vu le documentaire, il est impossible de ne pas faire le rapprochement.
La vie n'est pas facile dans cette campagne reculée, mais Gus Targot a été élevé à la dure (autant dire maltraité) et continue à vivre sur ses terres pauvres sans parler à personne d'autre que son chien et son voisin Abel. Et encore depuis peu avec ce dernier, car leurs familles se détestaient sans qu'il sache pourquoi.
Secrets de familles, drames tus, taloches et fusils à portée demain : la violence est palpable.
Dans la routine âpre de cette vie rurale, des visites et rencontres inhabituelles, voire déplaisantes, vont se succéder.
Ce roman noir nous plonge dans les conditions de vie de ces petits paysans — qui disparaissent faute de repreneurs ou de descendance, parfois dépossédés comme les Indiens d'Amérique. Ce qui fait sa force, sa profondeur, est son point de vue social, avec des sujets comme les banques, la religion, mais aussi les haines de familles et de villages, la charité et l'humanité de l'abbé Pierre, la solitude et l'altérité, la dignité, la liberté...
C'était une drôle de journée, une de celles qui vous font quitter l'endroit où vous étiez assis depuis toujours sans vous demander votre avis. Si vous aviez pris le temps d'attraper une carte, puis de tracer une ligne droite entre Alès et Mende, vous seriez à coup sûr passé par ce coin paumé des Cévennes. Un lieu-dit appelé Les Doges, avec deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres, de grands espaces, des montagnes, des forêts, quelques prairies, de la neige une partie de l'année, et de la roche pour poser le tout.
Dès le début, nous voilà prévenus. Une tension s'installe, s'amplifie et oblige à lire le roman d'une traite.

Grossir le ciel a déjà reçu de nombreux prix : Prix Polar Michel-Lebrun, Prix Calibre 47 du festival Polar'Encontre, Prix des lecteurs du festival du polar de Villeneuve-lez-Avignon... Il est actuellement en compétition pour le Prix SNCF du polar 2017, un prix public pour lequel tout le monde peut voter. Profitez-en !

Éditions Le Livre de poche, La manufacture de Livres, 2016, 240 pages.

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