mardi 28 février 2017

Tous ceux qui partent ne reviennent jamais

Photo : © Pearl Gabel
C'est l'édifiant témoignage d'un ancien ultra-orthodoxe qui a grandi près de New-York, dans une communauté hassidique repliée sur elle, au mode de vie arriéré et fanatique. Un récit d'ailleurs très bien écrit.
Né en 1974, Shulem Deen raconte, dans Celui qui va vers elle ne revient pas, son parcours rebelle et douloureux de jeune homme curieux, qui doute et se pose des questions sur le monde, au-delà de son village fermé. Il commence alors à transgresser les règles : écouter la radio, fréquenter les bibliothèques, regarder la télévision et se brancher sur Internet...
Dans sa communauté, qui a ses propres écoles et administrations, chaque geste quotidien, chaque événement de la vie est strictement réglé et codifié. Le moindre écart est considéré comme impur, profane. La plupart des membres ne s'expriment qu'en yiddish et parlent à peine anglais, alors qu'ils vivent à quelques kilomètres de Manhattan.
Shulem Deen, comme les autres, subit un mariage arrangé à 18 ans avec une jeune femme qu'il n'a pas choisie et devient, en peu d'années, père de cinq enfants.
Dès le premier chapitre, on apprend qu'il est banni de la communauté, contraint de quitter sa famille à laquelle il est pourtant très attaché. Considéré comme hérétique, ses enfants seront, petit à petit, montés contre lui.
Non seulement je deviendrais un paria, mais mes enfants, eux aussi, seraient stigmatisés, considérés jusqu'à la fin de leur vie comme les rejetons d'un hérétique ; leur réputation serait ternie par les fautes de leur père, et ils ne pourraient prétendre à un bon mariage — à moins de rompre tout lien avec moi, seul moyen de se racheter aux yeux de la communauté.
Mais comment survivre loin des siens, même s'il ne partage plus leurs façons de penser (ou justement de ne pas penser) ? Il se sent comme un extra-terrestre dans la vie quotidienne d'un Américain moyen. Heureusement, une association vient en aide aux rebelles ou exclus des ultra-orthodoxes comme lui. À son tour, il soutiendra ceux qui tentent de se reconstruire hors du clan.
Au-delà du témoignage sur cette communauté, ce récit sidérant et passionnant (les plus de 400 pages se dévorent) est un plaidoyer pour le libre arbitre contre les dogmes.
Il a reçu le National Jewish Book Award en 2015.

Éditions Globe, 2017, 416 pages.

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