lundi 20 mars 2017

Pensées sylvestres

Comment pensent les forêts est un essai dense et complexe comme la forêt, comme la pensée sylvestre.
Passionnant, savant et apparemment ardu pour des non-spécialistes, ce livre important aborde l'anthropologie autrement : pas seulement du point de vue des humains, mais prenant en compte un écosystème tout entier.
La superbe couverture (soulignons au passage le remarquable travail d'éditeur de Zones sensibles dans la fabrication de beaux livres) donne envie d'entrer et d'explorer, dans les pas de l'auteur.
Eduardo Kohn, anthropologue de l'université McGill, à Montréal, a passé quatre ans parmi les Indiens runa d'Amazonie équatorienne pour étudier une anthropologie au-delà de l'humain (sous-titre de l'ouvrage), c'est-à-dire les relations et la communication entre les humains et les non-humains (animaux et autres créatures, esprits de la forêt...), qui forment un tissu interactif d'êtres vivants.
18 photographies, noir et blanc et couleur
Le titre énigmatique et poétique, Comment pensent les forêts, fait référence au livre de Lévy-Bruhl paru en 1910, How Natives Think, et à celui de Lévi-Strauss : La Pensée sauvage (1962). L'ouvrage s'inscrit donc dans l'histoire de l'anthropologie et de l'ethnologie pour aller au-delà, puisque "la vie et la pensée sont une seule et même chose : la vie pense ; les pensées sont vivantes".
"La pensée, dans ce livre, travaille à travers des images. Certaines s'offrent sous formes de rêves, d'autres s'invitent comme des exemples, des anecdotes, des devinettes, des questions, des énigmes, des juxtapositions inquiétantes, et même des photographies. Ces images peuvent avoir un effet sur nous si nous les laissons faire. Mon but ici est de créer les conditions de possibilité de ce genre de pensée."
Eduardo Kohn se définit comme un "diplomate cosmique" qui a appris comment les forêts génèrent des idées. Il transmet ses découvertes, à la manière d'un chaman scientifique qui ferait le lien entre différents mondes.
Autant de langages non-verbaux que nous, habitants des villes, avons peut-être oubliés depuis des millénaires en nous éloignant des forêts et d'autres sortes de vies que les nôtres...

Éditions Zones Sensibles, traduit de l’anglais (États-Unis) par Grégory Delaplace, 2017, 336 pages.
Préface de Philippe Descola.

Écouter la conférence organisée par le musée du quai Branly le 2 mars 2017 avec notamment Eduardo Kohn, Grégory Delaplace (maître de conférences au département d’anthropologie de l’Université Paris Ouest Nanterre) et Philippe Descola (EHESS, Collège de France).

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