mercredi 19 avril 2017

Trop de murs, pas assez de ponts

Alessandro Pignocchi, dans son roman graphique intitulé Petit traité d'écologie sauvage, nous propose une étonnante et instructive recomposition du monde* en changeant la donne, notamment sur notre vision de la nature.
En effet, cet ancien chercheur en sciences cognitives et philosophie de l'art imagine que, du jour au lendemain, les dirigeants de la planète adoptent les valeurs, la culture et la façon de voir le monde des Jivaros Achuar qui vivent dans la jungle amazonienne. Ces derniers, par exemple, considèrent tous les êtres vivants comme des sujets, dotés d'un esprit, avec une vie intellectuelle et sentimentale (contrairement à nous qui les considérons souvent comme des objets utilitaires, des ressources à notre service). 
Sur les traces de Philippe Descola, anthropologue français qui a vécu avec cette tribu dans les années 70, Alessandro Pignocchi a, quarante après, également fréquenté les Achuar et a déjà publié une BD (Anent - Nouvelles des Indiens jivaros) sur la façon dont ils communiquent avec les autres êtres vivants par des sortes de poèmes appelés anent
Une autre de nos différences avec les Achuar : leur chef est au service du peuple et n'a aucun pouvoir. Inversement aussi, dans le roman graphique, un anthropologue jivaro vient étudier les restes de nos sociétés occidentales... sans toujours bien saisir les intentions des groupes observés.
Cette recomposition complètement décalée ne manque pas de provoquer des situations absurdes, inquiétantes ou comiques qui, on l'aura compris, nous invite à réfléchir sur notre façon de penser le monde et notamment de considérer la nature et notre environnement.
Percutant.

Éditions Steinkis, 2017, 128 pages.

* d'après le titre de l'essai de Philippe Descola : La Composition des mondes.

Consulter le blog d'Alessandro Pignocchi : Puntish, du nom d'une friandise achuar offerte aux invités de marques et qui consiste en larves de coléoptères)

Lire aussi ma chronique sur Comment pensent les forêts de l'anthropologue Eduardo Kohn.  

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