mardi 9 mai 2017

Cadavres latinos en série

Pouvoir, politique, journalisme, police, armée, guérilla, gardes du corps, trahisons, corruption, folie, cadavres... voilà l'ambiance de l'excellent roman noir à la sauce latino-américaine — assaisonné d'humour tout aussi noir —  Le directeur n'aime pas les cadavres. L'auteur, Rafael Menjívar Ochoa (1959-2011), originaire du Salvador, a vécu plus de vingt ans en exil.
— Tu sais ce qu'il y a de moche dans le métier ? Rodríguez but trois micro gorgées de son café. C'est qu'on ne peut jamais savoir ce qui s'est passé. Il manque toujours des pièces au puzzle. Au mieux, on gagne au finish ; c'est le mort qui remporte le gros lot.
Sur le qui-vive, on ne sait jamais qui, à quel moment et comment la mort — omniprésente — va faucher. Oui, s'il n'aime pas les cadavres, le directeur est bien mal servi...
L'humour aussi tombe par surprise comme une respiration salutaire.
On débarque dans une histoire compliquée de famille, plus décomposée que recomposée, où survit encore la seconde épouse du père, Milady. Là aussi, tout n'est que trahisons, secrets, folie morbide...
Le narrateur revient auprès de son père mourant, directeur d'un quotidien, après des années d'absence pendant lesquelles il a exercé divers métiers, dont figurant au cinéma en tant que cadavre (comme par hasard).
Pour jouer les cadavres il faut être un cadavre. Pas le feindre, l'être vraiment, et les cours de théâtre ne vont pas jusque-là, il y a des limites que beaucoup n'osent pas franchir.
Le cynisme est à chaque coin de page, souligné par une soi-disant coquille dans le journal qui fournira un alibi à quelques obscurs règlements de compte.
— Le n est très proche du v, dit-il enfin. Et le i du y. Les gestes sont presque les mêmes pour écrire cynisme et civisme.
— Le n est à côté du b, dit Gilberto. Et le i à côté du u.
Le directeur n'aime pas les cadavres fait partie d'une "trilogie mexicaine" de cinq œuvres qui seront toutes éditées par Quidam. Peu importe d'où on démarre puisque chaque "épisode" adopte un point de vue différent et apporte un éclairage nouveau à l'inextricable puzzle.
À suivre de près, donc, car c'est du roman noir latino-américain comme on en lit peu.

Quidam éditeur, traduit de l'espagnol (Salvador) par Thierry Davo, Collection Les Âmes Noires, 2017, 168 pages.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    quelle bonne nouvelle que cette parution. On n'a guère que Castellanos Moya en salvadoriens à se mettre sous la dent (certes un morceau de choix !) et le roman noir hispano-américain a encore bien des pépites à nous offrir.

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  2. Bonjour,
    En effet, une excellente découverte avec une série qui s'annonce réjouissante...

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