lundi 24 décembre 2018

Sauvetage en temps de crise

En Espagne, en pleine crise des années 80, une usine d'impression de textile ferme ses portes. Les patrons se sont volatilisés.
Les employés ne sont plus payés et se retrouvent au chômage.
Ils décident alors de reprendre l'usine à leur manière et d'honorer les commandes en cours...
Cachemire est l'histoire vraie et attachante du père de l'auteur, Rubén del Rincón, scénariste et dessinateur, aidé de son frère Carlos pour la couleur.
C'est donc une histoire de famille qui mêle des souvenirs d'enfance des deux frères et qui constitue surtout un bel hommage à leur père et ses collègues — dessinés comme des cowboys des temps modernes — qui ont créé une coopérative pour conserver leurs emplois.

Éditions du Long Bec, 2018, traduit de l'espagnol par Isabelle Krempp et adaptation des dialogues par Fabrice Linck, 108 pages couleur. Première parution en Espagne en 2012.

mercredi 19 décembre 2018

Poésie en toute chose

Le grand chosier de Laurent Albarracin* est très inspiré du Parti pris des choses de Francis Ponge et s'intéresse à ces objets du quotidien, sous nos yeux et loin des sujets éculés, peu poétiques au premier abord, parfois cocasses.
L'auteur nous emmène sur des chemins détournés pour leur donner une nouvelle vie, extraordinaire et inattendue.
Dès le premier texte, nous voilà harponnés (justement !), étonnés, amusés, par le grappin d'abordage.
Dans la série Petite métaphysique culinaire, les ingrédients du placard de la cuisine y passent : miel, semoule, oignon, crème, sel...
Dans sa Postface aux choses, Laurent Albarracin commente sa démarche et commence ainsi :
Les choses ont ceci de particulier qu'elles sont plus générales qu'elles en ont l'air. Je veux dire qu'elles touchent à infiniment plus qu'elles-mêmes alors même qu'elles ne sont qu'elles-mêmes et précisément parce qu'elles ne sont que ce qu'elles sont.
Il dit aussi, plus loin :
Avec la langue on a vite fait d'appliquer une usine à gaze sur une jambe de bois. On tend des perches pour se faire prendre à la poix de nos appâts. La langue est cette chose qui grasseye dans les choses et en goûte toute la riche matière.
Le grand Chosier rassemble des textes inédits ou déjà parus dans diverses revues par-ci par-là et dépoussière la poésie avec humour et brio.

Éditions Le Corridor bleu, 2015, 184 pages.

* Laurent Albarracin est poète, participe notamment au site Poezibao et fait partie du comité de rédaction, avec Guillaume Condello et Pierre Vinclair, de la revue Catastrophes également éditée par Le Corridor bleu.
Voir aussi la rubrique où l'auteur publie des notes de lecture, sur le site de Pierre Campion.

Quelle nature en ville ?

La revue Science & Vie* publie un dossier étonnant sur la mutation de la nature en ville.
Entre les espèces sauvages et les espèces domestiques, d'autres se sont acclimatées aux conditions difficiles des villes (chaleur, bruit, éclairage, foule, déchets...) et se sont donc transformées pour devenir typiquement urbaines : fourmis, lézards, mésanges, papillons... Mais on trouve surtout les habituels pigeons, moineaux, hirondelles, ainsi que les rats et souris, les blattes, punaises de lit... moins réjouissants.
Parmi les espèces végétales qu'on trouve le plus fréquemment, vous n'y avez certainement pas fait attention parce qu'on aurait tendance à les "traiter" de mauvaises herbes : pâturin, bourse à pasteur, stellaire...
Il est vrai que le terrain des villes n'a intéressé les écologues que depuis peu — il reste encore à explorer et comprendre. Si ce milieu en pleine mutation est inquiétant par certains aspects, certains spécialistes restent optimistes pour l'avenir (il vaut mieux puisque l'urbanisation continuera de se développer). En effet, les villes pourraient aussi devenir des écosystèmes à part entière, où la biodiversité serait préservée, loin des cultures intensives des campagnes qui n'ont parfois plus rien de bucolique et où les espèces menacées n'ont plus leur place...
À condition que les agglomérations deviennent moins pollués ? Même l'homme — un autre animal des villes — s'adapte et développe parfois des résistances à la pollution !

* Science & Vie n° 1216, janvier 2019

Lire aussi ma chronique sur la végétalisation des espaces urbains (Petit traité du jardin punk).

mardi 18 décembre 2018

Vive le jardin punk !

Il y a le jardin zen ou à la française, par exemple, deux modèles traditionnels bien codifiés et ordonnés, et il y a le jardin punk !
Avec beaucoup d'humour (et de sérieux), Éric Lenoir nous apprend à désapprendre le jardinage avec son Petit traité du jardin punk.
No future ? Bien au contraire ! C'est plutôt, à travers l'histoire des jardins et du jardinage, un nouvel état d'esprit pour ces espaces de nature artificiels (surtout en ville et là où on ne les attend pas). Le jardin punk doit être rapide et facile à réaliser et à entretenir, pas cher (en récupérant et recyclant) et beau.
L'auteur est paysagiste et s'est "mis en tête de trouver des solutions pour que cette nature passe, là où elle fait défaut, d'un statut dérisoire à un statut à la fois indispensable et remarquable".
Éric Lenoir fait partie de cette génération de professionnels qui a dû repenser l'enseignement qu'on lui a donné, dans une perspective beaucoup plus écologique — et souvent moins guindée. Le jardin punk est celui qui s'affranchi de certaines règles (aligner, tailler, tondre, désherber...), qui les prend à rebrousse-poil et répond à de nouvelles attentes. Par exemple, en ville, nous voulons aussi des coquelicots et des marguerites, et que la nature (re)vienne à nous, jusque sur nos trottoirs.
Ce petit livre passionnant et réjouissant, bourré d'idées et d'astuces pour végétaliser (avec une belle liste de végétaux punk), n'est cependant pas un manuel de jardinage.
C'est un véritable manifeste pour le jardinage punk, qui n'est pas un passe-temps de retraité plan-plan, mais une activité rebelle, créative et surtout très belle.
Vive le jardin punk !

Éditions Terre Vivante*, 2018, avec photos et illustrations, 96 pages. 

Le succès de ce petit traité a entraîné la publication d'un grand traité augmenté en volume, en format et en photos, une version XXL : Le grand traité du jardin punk.
No future
? Bien au contraire ! 

Éditions Terre vivante, 2021, 256 pages. 

 

* Terre Vivante est une entreprise coopérative qui conjugue écologie et conseils pratiques depuis près de 40 ans avec une maison d'édition, le magazine Les 4 saisons pour jardiner sans produits chimiques et  un Centre écologique dans les Alpes pour faire des stages de découverte et d'apprentissage.

Lire aussi ma chronique sur la mutation de la nature en ville (dossier Science & Vie).

lundi 17 décembre 2018

Tiburce, le double astral de Tehem

À l'occasion de la sortie de la première partie de l'intégrale des aventures de Tiburce, le dessinateur Tehem répond à nos questions. Nous avions déjà parlé de lui dans ce blog, à propos de ses BD Chroniques du Léopard, Nowan, la revue Le Cri du Margouillat ou Le Major contre le gang des Canotiers blancs

Il est également l'auteur des séries Malika Secouss et Zap Collège


Tiburce est ton plus ancien personnage. Comment pourrait-on le définir ?
Tehem : Tiburce est un petit Yab* vivant dans un village des hauts, dans un temps figé dans les années 70-80. C’est-à-dire les années de ma jeunesse. Il est un peu limité, naïf, mais toujours positif.

Que représente-t-il pour toi ?
J’ai créé Tiburce lorsque je passais mon bac en métropole : j’étais fou de rage de voir qu’au même moment sortait à La Réunion le premier numéro du Cri du Margouillat (un fanzine BD réunionnais). J’aurais tellement aimé être là-bas à ce moment-là ! Tiburce, c’est donc mon double astral :)

Est-ce qu’il t’a été inspiré par ton enfance à La Réunion ?
J’avais l’habitude de dire il y a quelques années que Tiburce n’était pas moi, mais un mélange de copains, et de cousins. Mais avec le temps, je me rends compte que c’était bien moi qui poussait ce pneu… J’assume, maintenant : Tiburce, c’est moi petit. 

On le voit toujours en train de faire rouler un pneu. C’est un jeu qui se pratiquait à La Réunion ? Aujourd’hui encore ?
Oui, j’y jouais chez ma grand-mère des Avirons les week-ends. Le terrain accidenté s’y prêtait, et on trouvait facilement des pneus, ceux-ci servant à délimiter des parties du jardin. 

Qu’apporte de plus l’intégrale par rapport aux éditions originales ?
La première intégrale rassemble les 4 premiers tomes colorisés, ainsi que quelques strips inédits. Et surtout, ça permet une lecture dans la continuité, c’est pas mal pour donner aux personnages plus d’épaisseur.

Est-ce que l’écriture du créole a été un problème ?
Non, pas au début. C’est après le deuxième tome qu’un linguiste est venu me dire que mon écriture n’était pas « réglementaire ». Mais je suis convaincu que la graphie que j’ai choisie est plus efficace pour ce que je veux en faire, c’est-à-dire un outil de lecture instinctif de la bande dessinée. 

Est-ce que tu as toujours rêvé de faire de la BD ou bien cela t’est arrivé par hasard ?
À l’âge de 8 ou 9 ans, je dévorais des bandes dessinées (enfin, les pauvres BD qui arrivaient jusqu’à La Réunion à cette époque), et très vite j’ai trouvé ce moyen d’expression magique. J’avais réalisé du coup une centaine de pages racontant des histoires d’agent secret, de chevalier, d’homme de la jungle… Ces histoires ne s’adressaient qu’à moi, seul lecteur privilégié. Puis je me suis rendu compte que ces récits étaient aussi clairs pour les autres. C’est là que je me suis dit que c’était ce que j’allais sûrement faire plus tard. J’ai essayé de progresser en recherchant ce qui ne fonctionnait pas dans la lecture, en lisant aussi d’autres auteurs fondamentaux (Gotlib, Franquin, etc.). J’essaie encore aujourd'hui de progresser, d’expérimenter d’autres techniques.

Où peut-on acheter ou commander l'album ?
Notamment sur le site du Cri du Margouillat.

Éditions Centre du monde, 2018, 21 x 16,5 cm, 176 pages.

* Yab : nom donné aux Blancs qui vivent dans les hauteurs de l'île de La Réunion. 

samedi 1 décembre 2018

Résister aux boules de Noël

Même si Noël vous fout les boules, vous ferez bien un petit cadeau, ne serait-ce qu'à vous-même pour vous remonter le moral avec de très bons livres.
Voici quelques suggestions parmi mes lectures préférées de l'année.
Je vais commencer par deux recueils d'André Pangrani que nous avons publiés avec Les Amis de Kanyar, en vente notamment sur le site de la revue Kanyar qu'il avait fondée (et dont le n°6 est en préparation !) :
Un galet dans le pare-brise et Le Major contre le gang des Canotiers blancs d'André Pangrani.


Et par ordre alphabétique d'auteurs de romans :


Watership Down de Richard Adams (nouvelle édition d'une formidable épopée de lapins)
Seule la nuit tombe dans ses bras de Philippe Annocque (un roman sur l'amour et les réseaux sociaux)
L'homme qui s'envola d'Antoine Bello (sur la difficulté de disparaître : merci Rachel !)
En route vers Okhotsk d'Eleonore Frey (pour un voyage imaginaire)
Les oiseaux morts de l'Amérique de Christian Garcin (les dessous de Las Vegas)
La Confession de John Herdman (l'écrivain qui en savait trop)
Les arbres d'Armelle Leclercq (joyeuse poésie sur nos amis les arbres)
L'écart d'Amy Liptrot (où la nature sauve)
L'amour après de Marceline Loridan-Ivens (un beau récit de la grande Marceline qui nous a quittés cette année)
Le Sillon de Valérie Manteau (et encore bravo pour le prix Renaudot !)
Ventoux, versant littéraire de Bernard Mondon (superbe anthologie de textes sur le mythique sommet)
Une si brève arrière-saison de Charles Nemes (ironique, subtil et attendrissant)
Quichotte, autoportrait chevaleresque d'Éric Pessan (le défenseur des grandes causes actuel)
Taqawan d'Éric Plamondon (excellent roman qui mérite son succès et son prix France-Québec !)
De toutes pièces de Cécile Portier (un extraordinaire cabinet de curiosités)
Berlin on/off de Julien Syrac (un roman hilarant sur l'art et les artistes)
Article 353 du code pénal de Tanguy Viel (de l'espoir dans un monde tristement banal et injuste en temps de crise)
- 3 trucs bien de Fabienne Yvert (un bon truc pour trouver des choses positives où il n'y en a apparemment pas !)

BD et romans graphiques

- Chroniques du Léopard d'Appollo et Tehem (dans la sélection du grand prix d'Angoulême !)
CONversations de Jorge Berstein  et Fabcaro (super drôle sur les faux vendeurs)
- Down with the kids de Dav Guedin (humour et tendresse avec les enfants)

Wesh ! Caribou d'ElDiablo (les tribulations d'un Français dans le grand froid)
- Strip-tease d'Emma Subiaco (les tribulations d'une apprentie strip-teaseuse)


Essais

Remèdes à la mélancolie d'Eva Bester (nouvelle édition) : la consolation par les arts ! 
La Note américaine de David Grann (enquête sur les Indiens d'Amérique)
Sorcières. La puissance invaincue des femmes de Mona Chollet (excellentissime essai captivant, indispensable !)

Vous n'aurez aucune excuse pour passer cette période sous la couette ou au coin du feu, ou sur la rabane à la plage (pour nos amis de l'Hémisphère sud), en bonne compagnie avec nos amis les livres.

Consultez aussi mes suggestions précédentes :
- année 2017
- année 2016

vendredi 30 novembre 2018

L'art comme anti-spleen

Vous vous rendez compte de votre état ? Vous avez envie de guérir, ou vous n'avez pas envie ? entend-on au générique de l'émission Remèdes à la mélancolie, avec la voix de Louis Jouvet dans Knock.
Pour les malheureux qui ne connaissent pas la délicieuse émission du dimanche matin sur France Inter, Eva Bester y reçoit un invité et l'interroge sur ses façons de résister, d'échapper ou de se vautrer dans le spleen, ce qui nous donne un portrait particulier d'une personnalité et de son univers, vus sous cet angle. C'est aussi une façon de (re)découvrir des pépites littéraires, cinématographiques, sonores ou picturales...
Une nouvelle édition (lire ma chronique sur la première) du livre des Remèdes à la mélancolie d'Eva Bester vient de paraître, augmentée d'un texte sur Julien Spilliaert, artiste belge (1881-1946) et de photos de ses œuvres à l'encre de Chine. Cet addendum constituera une découverte pour la plupart d'entre nous, c'est-à-dire un remède à l'oubli de cet artiste injustement méconnu qui a déclaré :
"Mais l'art nous console et nous y pouvons puiser le courage de vivre !"
La couverture est plus jolie, mais dommage que la nouvelle édition ne soit pas complétée par les plus récentes émissions et portraits d'invités. En attendant, vous pourrez les consulter sur le site de l'émission.
Voyez par exemple la page de Bertrand Mandico, cinéaste hors normes, (qui a collaboré à la revue Kanyar), particulièrement inspiré par le sujet puisqu'il entretient un rapport amant-maîtresse avec la mélancolie. On peut y consulter sa truculente et poétique liste de 77 remèdes.
Source inépuisable de consolation par les arts.

Éditions Autrement, 2018, 304 pages.

dimanche 25 novembre 2018

Ces femmes héritières des sorcières

Sorcières. La puissance invaincue des femmes est un brillant essai de Mona Chollet, journaliste au Monde Diplomatique, à qui l'on doit déjà Chez soi et Beauté fatale.
L'autrice revient sur les définitions des sorcières et de leurs histoires qui ont finalement peu à voir avec la sorcellerie en tant que telle — quand elles n'étaient pas de vraies guérisseuses qui faisaient du tort aux médecins officiels.
Si la sorcière est l'archétype de la mauvaise femme, elle fut aussi un bouc émissaire idéal pour se venger ou faire régner la terreur, à travers une chasse qui a plus l'air d'une guerre misogyne. Il suffit de remplacer sorcière par femme et l'on comprend mieux l'esprit des chasseurs en question.
L'essai porte sur cet héritage et les coups portés aux envies d'indépendance, d'autonomie et de liberté des femmes, célibataires, veuves ou vieilles filles, non mères, femmes âgées, aventurières... Bref, toutes ces femmes prétendues dangereuses puisqu'elles représentent une menace. En tout cas, le regard sur elles est désapprobateur quand il n'est pas une injonction à la soumission.
À tel point que Mona Chollet se demande :
Et si le Diable, c'était l'autonomie ?
L'autrice, éclairée par l'histoire et le mythe des sorcières, déconstruit les stéréotypes et donne à réfléchir sur les tabous de la situation actuelle des femmes.
Elle dévoile l'envers d'un décor parfois exagérément glamour,  comme celui du cinéma, dont par exemple les révélations d'Uma Thurman sur le tournage de Kill Bill qui ont pulvérisé l'image culte du film.
Mona Chollet jette un sort aux diktats et aux interdits — mener une vie indépendante, vieillir, avoir la maîtrise de son corps et de son sexe —, aux "réflexes et condamnations que chacun a intégrés sans y réfléchir, tant la définition étroite de ce que doit être la femme est profondément ancrée".
Comme dit Thérèse Clerc, qui a fondé la Maison des femmes puis la Maison des Babayagas à Montreuil :
"Être sorcière, c'est être subversive à la loi. C'est inventer l'autre loi."

Ces Sorcières sont un essai captivant, indispensable, truffé d'exemples commentés de manière piquante et souvent drôle, malgré le contexte édifiant.

Éditions Zones (label des éditions La Découverte), 2018, 240 pages.

Zones se fixe comme objectif d'être un espace de résistance éditoriale et fonctionne comme un dispositif d’économie mixte, à deux versants, combinant la publication commerciale classique sur papier (avec des livres soignés, véritables objets graphiques et qui font moins mal aux yeux que la version en ligne) et la diffusion en libre accès sur Internet.

Lire aussi ma chronique sur Jouir.

vendredi 23 novembre 2018

Des livres qui inspirent

Les éditions Pyramyd sont spécialisées dans le graphisme, la création et la culture visuelle (street art, architecture, mode, cuisine...). Une librairie-galerie, le 34Greneta (34, rue Greneta à Paris, 2e) propose des expositions sur les mêmes thèmes.
Sur la créativité, de nombreux ouvrages, bien faits, imprimés sur de beaux papiers, dont deux très inspirants : La voie du créatif de Guillaume Lamarre (2016, 216 pages) et L'art d'une vie créative - Les vertus de la pleine conscience de Frank Berzbach (2015, 194 pages). Ce dernier prône un art de vivre inspiré de la pleine conscience et de pauses pour se ressourcer.
Tous sont des poètes et ils savent lire dans le vent. (Bob Dylan)
Guillaume Lamarre aborde la question de la créativité comme un samouraï et s'inspire du Hagakure japonais. Il propose des katas comme exercices pour s'entraîner et s'affranchir du poids de son esprit, de l'abondance d'informations qui nuit à notre attention — et sans attention point de créativité !
Il cite des designers, des graphistes, des écrivains comme Paul Auster, des artistes comme Bob Dylan.

Éditions Pyramyd :
La voie du créatif, 2016, 216 pages.
L'art d'une vie créative, 2015, 194 pages.

Voir aussi le site de Guillaume Lamarre.

mercredi 21 novembre 2018

Vous avez dit tendre enfance ?

Ne vous fiez pas au titre, Tendre enfance, fiez-vous plutôt aux dessins de Laurent Houssin qui en disent long.
Jorge Bernstein n'est pas tendre avec les enfants qu'il met en scène. Ce sont des monstres, des psychopathes en devenir, capables des pires perversités pour arriver à leurs fins. Cela donne une idée quelque peu extrême des travers de notre société car les parents ne sont pas épargnés et se prendraient même comme un boomerang leur éducation désinvolte. Mêmes les clowns sont abominables dans cet album dont les premières planches sont parues dans la revue Fluide glacial de 2013 à 2017.
Les histoires commencent souvent bien gentiment sur le terrain délicat et innocent de l'enfance et du jeu pour brusquement déraper et nous saisir à rebrousse-poil avec une fin qui nous fait penser : "Mais c'est horrible !"
On rit en grinçant des dents...
Décidément, Jorge Bernstein est éclectique et explore différents styles d'humour* : décalé, absurde, noir. Ici, c'est noir, dans la lignée des Idées noires de Franquin.

Bravo ! Au salon d'Angoulême 2019, cet album a reçu le prix Schlingo ! Ce prix décerné depuis 2009, en marge du palmarès officiel, a été créé par Florence Cestac et Yves Poinot pour récompenser un album et/ou un auteur ayant une communauté d'esprit avec l'œuvre de Charlie Schlingo. (Voir la page Wikipedia)

Éditions Rouquemoute, 2018, 19 x 25,2 cm, 80 pages.

* Lire mes autres chroniques sur Jorge Bernstein :
- KATALÖG
- CONversations, avec Fabcaro.

mardi 20 novembre 2018

Hazel et Fyveer sont de retour !

Nouvelle version poche 2018
Excellente nouvelle !
Après le succès français du formidable Watership Down de Richard Adams, réédité en 2016 par Monsieur Toussaint Louverture (lire ma chronique), le livre sort en version illustrée et moins chère (16,90 € au lieu de 21,90 €). Cette nouvelle édition inaugure une nouvelle collection "Monsieur Toussaint Laventure" (Laventure, n'est-ce pas ? pas Louverture, nuance), dans laquelle seront publiés des romans (déjà parus ou inédits) pour un public plus jeune (à partir de 14 ans).
Mélanie Amaral, qui avait déjà signé la très belle couverture de la première édition, a réalisé les douze illustrations en rouge et noir, tout à fait dans l'esprit du livre (et qui font l'objet d'un tirage d'art format A4 environ).
Avec douze illustrations
de Mélanie Amaral vendues en tirage de luxe
Car non, ce n'est pas parce que les principaux personnages sont des lapins, dont Hazel et Fyveer, qu'il s'agit forcément d'une lecture pour enfants. Watership Down est une grande épopée naturaliste, émouvante, terrifiante et réaliste.
La vie des lapins, qui ne sont pas des prédateurs mais la proie de nombreux autres animaux (et des humains), n'a rien d'une tranquille balade bucolique : personne n'a envie d'être à leur place !
Pour plus de détails sur l'histoire du livre et de l'auteur, relisez ma chronique.

Éditions Monsieur Toussaint Louverture, traduit de l'anglais par Pierre Clinquart et illustré par Mélanie Amaral, 2018, 512 pages.

La couverture de l'édition de 2016
par Mélanie Amaral

lundi 19 novembre 2018

Secrets et devoir de mémoire

Le scénariste de BD Pascal Bresson et le dessinateur Horne ont réussi un beau roman graphique — qui se lit d'une traite —, d'après le roman à succès de Tatiana de RosnayElle s'appelait Sarah.
Le dessin délicat de Horne (déjà remarqué pour Le quatrième mur) joue sur les contrastes pour faire la lumière sur Sarah et les personnages positifs, en laissant dans l'ombre les côtés sombres et terrifiants, sans les occulter.
L'histoire : en 2002, une journaliste américaine enquête sur la rafle du le Vel' d'hiv' et ses faits méconnus, notamment l'implication de la police française. Elle est sur le point d'emménager dans un appartement et découvre l'histoire cachée de ce lieu.
Parallèlement, nous suivons le parcours de Sarah, une petite fille juive arrêtée avec ses parents en août 1942, lors de cette rafle. Elle a laissé son frère caché dans un placard et met tout en œuvre pour revenir le délivrer.
Les deux destins vont se croiser et bouleverser la vie de certains personnages, 60 ans plus tard.
Une œuvre passionnante sur les secrets de famille, la guerre et le devoir de mémoire.

Éditions Marabout, collection Marabulles, 19 x 25 cm, 2018, 208 pages.

dimanche 18 novembre 2018

La clairvoyance du narrateur

Discernement de Guillaume Contré est un texte intriguant et surréaliste où l'on se faufile entre les mots et les images comme dans un rêve. Tout semble normal, ou presque, pour le narrateur, mais tout est étrange. À moins qu'au point du jour, le manque de sommeil (ou l'abus de substances ?) provoque des hallucinations dans l'esprit de Frédéric.
Ce dernier erre de bar en bar et boit des cafés crèmes au lieu d'aller dormir.
Il croise alors le chemin d'une foule de personnes : une vieille au regard vitreux, un serveur immobile, des gens qui grognent, d'autres qui rotent ou qui soupirent, un type avec son chien (et beaucoup d'animaux aussi), un chat, une mouche, des fourmis... et même une cravate à fleurs !
Que se passe-t-il dans ce monde qui ne tourne pas rond ?
Et qui est ce narrateur omnipotent doué de clairvoyance pour lire si aisément dans le cœur et l'esprit de Frédéric et nous raconter à quoi il pense et à quoi il ne pense pas ?
Ce sont les changements qui nous font voir la différence, pensa-t-il. Quand la même chose se poursuit sans changements, nous ne remarquons rien. Car rien ne mérite alors qu'on le remarque. Ou peut-être que si ? Il ne sut quoi répondre et cela ne lui importa pas. Ou cela lui importa, mais il préféra faire comme si cela ne lui importait pas. Ça lui semblait une preuve de discernement et le discernement était quelque chose qui importait pour lui. Le discernement nous guide, pensa-t-il. Il nous mène à bon port, même quand souffle une tempête.
Un univers rocambolesque qui n'est pas sans rappeler, chez le même éditeur, Clonck et ses dysfonctionnements de Pierre Barrault ou, dans un autre monde virtuel, Vie des hauts plateaux de Philippe Annocque.

Éditions Louise Bottu, 2018, 120 pages.

mardi 6 novembre 2018

À la poursuite du bonheur

Si la recette du bonheur n'existe pas, voilà quelques faits scientifiques et des expériences de sages qui peuvent donner des pistes.
Elsa Punset, philosophe espagnole et spécialiste de l'intelligence émotionnelle, s'est inspirée des philosophes grecs, romains, chinois, des scientifiques et des poètes du monde entier pour Le livre des petits bonheurs.
Déjà, voilà une bonne occasion de réviser les pensées d'Épictète, Socrate, Épicure, Héraclite, Platon, Sénèque, Marc Aurèle, etc. et de les appliquer grâce aux psychologues contemporains. Les philosophies chinoises nous sont parfois moins familières mais tout aussi adaptables à nos vies modernes.
Elsa Punset explore ensuite les rituels mongols, tibétains, thaïlandais, indiens, japonais... qui pourraient nous inspirer dans notre recherche du bonheur.
Nous pouvons aussi trouver des sources d'inspiration auprès des héros et héroïnes des romans, des films et des grands mythes qui surmontent des épreuves pour accéder à un univers extraordinaire et se transformer.
Enfin, le bonheur se trouve également auprès des psy et des philosophes contemporains.
L'autrice ne se contente pas de lister les exemples et de synthétiser les pensées de chacun : elle propose une boîte à outils et des exercices concrets pour appliquer ces diverses méthodes à notre vie quotidienne.
Le bonheur se mérite parfois et se cultive souvent, ce qui demande quelque effort...

Éditions Solar, 2018, 240 pages. 

dimanche 4 novembre 2018

Les oiseaux de René Frégni

Alors que sa fille quitte le nid et laisse un vide, René Frégni prend un cahier et entame un journal. Pendant quelques mois, il raconte ses journées, entre contemplations, états d'âme, rencontres et souvenirs.
Cela donne La fiancée des corbeaux — le titre rendant hommage à son amie qui vit en pleine , où les arbres se chargent parfois de nuées d'oiseaux noirs.
Dans l'œuvre de René Frégni, on navigue entre les extrêmes, de la lumineuse poésie d'un instant à la pire noirceur du monde, de rencontres éblouissantes de tendresse ou désolantes de folie.
Les femmes sont souvent du côté de la tendresse : sa mère disparue mais toujours auprès de lui, ses filles, son amie institutrice ou cette auto-stoppeuse qui part danser...
On croise aussi les chemins de drôles d'oiseaux, des vrais — comme ces corbeaux par centaines ou ces gabians de l'île Sainte-Marguerite, aussi inquiétants que ceux d'Hitchcock — et des hommes, comme son ami Tony qui veut écrire ses mémoires de caïd ou ce dingue qui surgit un jour chez lui comme un cauchemar.
Une rencontre appelle un souvenir.
Une lecture ravive toutes les autres, et avec elles tous les lieux traversés, non sans mélancolie. Et la Provence qu'il décrit n'a rien d'une carte postale.
8 juin
De quoi ai-je voulu parler dans ce cahier depuis un an, de qui ? Je n'ai parlé que d'amour. La pensée seule de l'amour écarte la solitude et les premiers signes de la vieillesse que l'on constate dans le miroir, sur la peau de nos bras, de nos mains. 
Ai-je été plus sincère en évoquant la banalité de mes jours que dans toutes les histoires que j'ai pu inventer jusque-là ? J'ai été plus près de mon enfance, plus près de cette terre que créait chaque jour le visage de ma mère, sa voix.

Ce temps qui passe finit par s'achever, comme ce journal qu'on aimerait pourtant lire indéfiniment.

Éditions Gallimard, 2011, 176 pages. 

Lire aussi ma chronique sur Elle danse dans le noir.

jeudi 25 octobre 2018

Portraits de femmes exceptionnelles

Audacieuses ! rassemble les portraits écrits par Yannick Resch et dessinés par Sheina Szlamla de 50 femmes pionnières dans leurs domaines : femmes de lettres, de pouvoir, de savoir, de création et d'action.
Femmes du XIXe et XXe siècles principalement, elles ont bravé les interdits ou surmonté les épreuves pour relever des défis, battre des records et faire avancer des causes. Elles sont nées femmes mais ne sont pas restées à la place qu'on leur destinait, effacée et rangée.
Leurs réussites n'ont pas toujours été reconnues, comme la réalisatrice Alice Guy-Blaché ou la mathématicienne Mary Jackson.
De la poétesse Emily Dickinson à l'alpiniste japonaise Junko Tabei, nous croisons les parcours hors du commun de Julia de Burgos, Maya Angelou, Anaïs Nin, Harriet Tubman, Louise Michel, La Pasionaria, Germaine Tillion, Indira Gandhi, Simone Veil, Marie Curie, Margaret Mead, Hannah Arendt, Simone de Beauvoir, Hilma af Klint, Natalia Gontcharova, Frida Kahlo, Ella Fitzgerald, Nelly Bly, Alexandra David-Néel, Kwon Ki-ok, Mère Teresa, Jacqueline Auriol...
Exceptionnelles et remarquables.

Éditions Eyrolles, 2018, 128 pages.

mardi 23 octobre 2018

Pelles et râteaux

Les douze râteaux d'Hercule — le titre est à lui seul une belle trouvaille ! — de la dessinatrice de presse Louison est une BD échevelée qui raconte le parcours initiatique d'une jeune femme en douze épreuves.
L'année commence mal pour notre pétulante héroïne — courageuse malgré son abattement — puisqu'elle se fait jeter par son lourdaud de chéri le soir du réveillon.
Alors qu'elle noie son chagrin dans l'alcool, lui apparait Philae, la déesse des cœurs brisés, envoyée par les dieux de l'Olympe pour lui faire retrouver l'amour, en douze travaux/râteaux à surmonter.
Elle devra notamment tester les applis de rencontre, rappeler ses ex, essayer les filles, supporter les remarques acerbes des autres, etc.
Douze épreuves en douze râteaux et autant de pelles monumentales, donc, et qui seront la clé d'une révélation.
Touchant, drôle et plein de surprises, jusqu'à la fin.

Éditions Marabout, collection Marabulles, 2018, 190 pages.

Noirceurs de sons

Son cas décourage les médecins, auxquels d'ailleurs il échappe un soir qu'ils se penchaient sur lui. C'est qu'à la place du cerveau, il possède un cervolcan revolverisé quand cancer vole. Un fouillis fou le fouille fourrageusement. Il se christouille des kystes qui font houille et crie couille tristement. À troute vitesse, des invectives lui invectent d'esses et ivre. Il se patraque à se traquer. Cent motards se marmotent à son moteur mot. Médicinhâtivement, il est divement cinamé et datte. On le conclasse dans les neurodéeux à nœuds mais c'est con et ça classe à nerfs nerporte quoinœud.
À dos de Dieu ou L'Ordure lyrique de Marcel Moreau est réédité par Quidam éditeur, près de quarante ans après sa première publication en 1980, dans une nouvelle collection très justement nommée Les Indociles.
Le sujet et le style sont pour le moins déconcertants, étonnants, sidérants, iconoclastes, impossibles à raconter, comme tentaculaires et jaillis des profondeurs d'une âme tourmentée, d'un magma infernal et indomptable.
"Ce pourrait n'être qu'une œuvre vouée aux rythmes les plus fous, quelque chose d'âpre, de superviscéral, de très indifférent au plaisir d'enchanter", précise l'auteur.
Le personnage principal est un monstre, dont la nature et le nom — Beffroi — font référence à une bête semant l'effroi.
Une expression revient souvent sur ses lèvres : À dos de Dieu.
Un écrivain et un livre hors du commun. Totalement.

Quidam éditeur, 2018, collection Les indociles, 150 pages.

Japonais singuliers et pluriels

Parce qu'il est impossible de rendre compte de la diversité des Japonais (qui se disent pourtant uniformes), Raphaël Languillon-Aussel tente d'en montrer quelques exemples originaux à travers ces entretiens : "Le Japon est un pays de contraires qui ne font pas paradoxes, d'oppositions qui ne sont pas incompatibles, d'inclusion qui ne rend nécessaire aucune adhésion totale"...
Dans le premier chapitre, l'auteur démonte ainsi le mythe d'une société homogène avec tel habitant des îles Ryuku qui raconte les rites funéraires qu'on ne voit nulle part ailleurs ; tel jeune salarié en costume cravate qui raconte sa journée type de travail ; mais aussi une tenancière de taverne ; un homosexuel aux prises avec les discriminations ; une bénévole auprès des abîmés de la vie...
Les chapitres suivants évoquent les questions du peuplement d'un archipel fait d'extrêmes, du rapport au monde ambivalent entre ouverture et repli, de la culture et de la créativité japonaises entre traditions et innovations. Le dernier chapitre traite des enjeux d'un pays vieillissant.
Autant de rencontres graves, émouvantes ou singulières, qui apportent une lumière différente sur ces insulaires.

Ateliers Henry Dougier, collection Lignes de vie d'un peuple, 2018, 160 pages.
Dans la même collection : Marseillais de Patrick Coulomb et François Thomazeau.

jeudi 18 octobre 2018

1 095 trucs bien (écrits)

= 5 h de train avec personne à côté pour pouvoir s'étaler et vagabonder plus aisément
= pousser la grille du jardin pour retrouver ses ami(e)s sous un parasol
= couper une betterave (bio), et voir apparaître des paysages, rouges et blancs, différents sur chaque tranche 
On connaît la technique pour se détendre : le soir, avant de s'endormir, penser à trois choses positives qui nous sont arrivées dans la journée. Mais quand l'exercice est réalisé par une artiste — Fabienne Yvert, plasticienne, céramiste, éditrice, poétesse... —, cela donne un résultat hors du commun, magnifique, écrit pendant une année entière, en 2016.
3 trucs bien est le recueil de ces fameux "trucs" positifs, transformés en haïkus libres, en fragments autobiographiques comme autant de micro histoires poétiques, en instants fugaces repérés dans le quotidien, auxquels "on accorde peu d'importance, mais qui nous aident à vivre au milieu de l'adversité. Qui nous aident à trouver une autre version du monde comme il va".
"Il ne s'agit pas de trouver le monde formidable, mais d'y extraire du formidable au milieu de ce qui ne l'est pas forcément. Pouvoir y trouver son compte, quand bien même on vit avec trois fois rien", commente Fabienne Yvert.
= quand on rajoute de l'eau dans la théière parce que la discussion fait durer le petit déjeuner
= une tarte au citron meringuée comme une pleine lune du dimanche après-midi
= un bon film regardé "en famille" quand il fait pourri dehors 
En tout, 1 095 instant de petits riens et de grandes choses qui inspirent.

Éditions Le Tripode, 2018, 15 x 10 cm, 128 pages. 
Consulter le site foisonnant de Fabienne Yvert.

lundi 15 octobre 2018

La vraie vie des artistes

Les artistes ont-il vraiment besoin de manger ? est un recueil collectif d'entretiens menés par Coline Pierré et Martin Page avec une trentaine d'artistes de différentes disciplines : littérature, dessin, peinture, art plastique, photographie, musique, théâtre, traduction, cuisine, cinéma...
Ils répondent à des questions sur des sujets quotidiens comme leurs conditions de travail, matérielles et financières, leur statut, leur organisation, leurs problèmes existentiels, leurs colères, leurs combats, leurs joies, leur famille, ce qu'il y a sur leur bureau et dans leur frigo...
À Ryoko Sekiguchi : Quelle est la question que tu as toujours voulu qu’on te pose ? 
— Pourquoi a-t-on besoin de toujours poser des questions ? 
— Parce que cela nous permet de ne jamais en finir.
Les artistes sont : Thomas Vinau, Peggy Vialat, Maëva Tur, Antoine Tharreau, Mathieu Sominet, Ryoko Sekiguchi, Laurent Sagalovitsch, Cécile Roumiguière, Dominique Rocher, Melle Pigut, Coline Pierré, Eric Pessan, Eddy Pallaro, Martin Page, Justine Niogret, Marc Molk, Marie Laforêt, Julia Kerninon, Neil Jomunsi, Emmanuelle Houdart, Roland Glasser, Loïc Froissart, Quentin Faucompré, Amandine Dhée, Fanny Chiarello, Julie Bonini, François Bon, Rodrigo Bernardo, Clémentine Beauvais, Audrey Alwett.
Un recueil passionnant de rencontres enrichissantes et foisonnantes, de conversations et de belles réflexions — et des cris aussi — sur l'art, la vie, l'argent, la précarité, la nourriture...
La question du titre du recueil a-t-elle vraiment besoin d'être posée ? Il semblerait puisque l'essentiel ne saute pas aux yeux de tous.
À Quentin Faucompré : As-tu vraiment besoin de manger ? 
— Non. Les structures qui oublient de me payer le savent.
C'est une porte d'entrée dans les coulisses, les ateliers, les cuisines et les bureaux de ces artistes, qui donne envie d'en savoir davantage. On pourrait d'ailleurs imaginer un beau livre de ce recueil avec des portraits, des photos de leurs lieux de travail et bien sûr de leurs travaux.

Éditions Monstrograph, 2018, 353 pages.
Livre vendu sur le site de la maison de microédition associative, un petit atelier d'expérimentation et de sérigraphie en désordre bricolé par Martin Page et Coline Pierré. Ou à commander auprès de votre libraire.

samedi 13 octobre 2018

Mystérieux écrivains

Ah ! Ces mystérieux écrivains !
Le titre du livre d'Élise Costa est des plus clairs : Mystères d'écrivains - 50 histoires secrètes et insolites.
Le talent de conteuse de l'autrice, le ton alerte de son style, humoristique ou émouvant, nous embarque dans une série de chroniques toutes plus piquantes les unes que les autres.
Les histoires sont regroupées  en six parties :
- La naissance d'une œuvre est parfois entourée de mystères...
- L'écrivain est-il toujours celui que l'on croit ?
- Procès, disparitions ou les aléas de la vie d'auteur
- Quand l'écrivain a l'art de dissimuler des secrets...
- Amis ou ennemis ? Les compagnons de route de l'écrivain
- De l'autre côté du miroir
Où l'on retrouve les plus connus — Victor Hugo, Anaïs Nin, Poe, Steinbeck, Stephen King, Faulkner, Nabokov, Hemingway...— et où l'on découvre des moins connus, voire des reclus, qu'on a envie de lire ou relire.
Il ne s'agit pas seulement d'une collection d'anecdotes mais aussi d'une réflexion sur l'anonymat, les supercheries marketing, la diversité humaine...
Bien écrit et très divertissant !

Éditions Armand Colin, 2018, 224 pages.

samedi 6 octobre 2018

Québec mode d'emploi

ElDiablo, artiste multi-casquettes*, vivait en banlieue parisienne et rêvait de grand Nord américain, de froid polaire et de tempêtes de neige.
En 2015, il saute le pas (et l'Atlantique) avec sa petite famille et s'installe à Montréal.
Il raconte sa vie d'immigré dans Wesh ! Caribou, une série de chroniques en bandes dessinées, dont certaines planches ont été publiées dans Fluide Glacial, et transforme tout en gags.
Quatrième de couverture
Par exemple : l'impression étrange d'être chez le garagiste en discutant tarif avec le dentiste ; se faire verbaliser pour avoir traversé la rue hors des clous ; les rapports hommes-femmes ; les pourboires et les taxes qui font croître la note de restaurant ; le mythe de la ville souterraine... mais aussi la vie quotidienne en famille (à Montréal ou à New-York) ou la cause des autochtones.
Cette autobiographie démonte les clichés des Français envers le Québec et les immanquables péripéties et surprises de la vie quotidienne, avec beaucoup d'humour, bien sûr, mêlant ses propres expressions et celles du cru, car "Bienvenue, ça fait plaisir !"
Instructif et drôle.

Éditions Rouquemoute, 2018, 19 x 15 cm, 124 pages. 
Lire les premières pages de Wesh ! Caribou.

* ElDiablo, de son vrai nom Boris Dolivet, vient du hip-hop et du street art. Il est notamment auteur de BD, scénariste et réalisateur de la série animée Lascars (à voir et à revoir), adaptée au cinéma.