jeudi 1 mars 2018

K.O. par Chaos

Chaos de Mathieu Brosseau est un roman qu'on devrait lire à voix haute ou très lentement pour écouter sa musique et sa composition résonner en nous, pour se laisser envahir par sa prose poétique.
Le flux de sa conscience se tend terriblement, ça crisse, pneus sur l'asphalte, dérapage, flot, torrent, fougue, prend soudain une autre direction, un autre ton, radical, les nerfs, et ainsi fusent en elle ses mots d'énergumène.
Sa forme — le son des mots, le mouvement des phrases, un faux chaos — contourne, épouse les contours flous, élastiques et désordonnés de la pensée et de la parole. Illusion de confusion, elle flotte entre réalité et folie, vole entre rêve et visions — pas seulement de La Folle mais aussi de l'Interne, de l'Infirmier, de l'Aînée, de tous ces personnages sans noms, simplement désignés par leur fonction, leur rôle. Peu de noms propres (seulement pour deux rongeurs !), peu de repères.
Au début on est K.O., ensuite on reste abasourdi — halluciné — de tant de liberté prise avec les mots, au-delà du sens.
On finit par se frayer une voie dans l'exubérance, à moins que ce soit le chaos qui s'empare de nous.
— Vous savez, contrairement à vous, je n'ai aucune imagination, je suis absolument incapable d'inventer ce que je vois.
De l'histoire on sait seulement qu'une folle est enfermée dans un hôpital psychiatrique et qu'elle intrigue ceux qui l'entourent au point que l'Interne — coup de folie ou coup de génie ? — prend la liberté de la faire sortir pour retrouver sa sœur jumelle.
Un roman dingue et mesuré, démesuré. Une fable sur le chaos du monde. 

Quidam éditeur, 2018, 168 pages.

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