mercredi 30 août 2017

Du grand art

Au début, on se dit : c'est une blague ? C'est quoi cette conversation entre deux amis sans cesse interrompue par les allées et venues du chien foufou qu'ils ont emmené promener ? Et plus tard, cette autre conversation entre adultes, pendant un repas, en permanence coupée par les interventions du gamin ?
En fait, toutes ces conversations importantes et philosophiques, toutes ces histoires dans les histoires qui font écho (avec des références à Daisy Miller et aux Ambassadeurs d'Henry James) et autant de détails qui se répondent (comme l'importance des chiens dans la vie des gens) sont bien ancrées dans le réel et le quotidien des personnages.
Dans la vraie vie, on se pose des questions profondes et cela se passe ici ou là, dans des situations ordinaires ou dans le cadre privilégié et sensuel des hôtels.
— Personne ne prévoit l'avenir comme ça, dit-elle. Les gens font ce qu'ils font seulement parce que ça leur semble juste au moment où ils le font. Parfois ça l'est et parfois ça ne l'est pas. On ne se rend compte de ça que plus tard.
Je l'écris toujours* à propos de Gabriel Josipovici : c'est toujours une grande expérience de lecture qui laisse des traces bien après avoir refermé le livre.
Justement, il est beaucoup question de traces dans ce roman intitulé Dans le jardin d'un hôtel, de celles que laissent les absents, les rendez-vous manqués, les rencontres, les ruptures, les parts d'ombre, les souvenirs et les questions qui nous hantent et prennent parfois une place considérable.
À quoi cela tient quand des choix font bifurquer des destins ?
Comme souvent dans l'œuvre de Josipovici, l'essentiel semble s'immiscer entre les lignes en abordant des sujets difficiles ou impossibles à exprimer sur les mystères de la vie, de l'amour, de la mort, des destins... Et pourtant l'auteur réussi magistralement ce tour de force de nous les transmettre, par un geste, un ton, une attitude, une gêne, un agacement...
L'essentiel n'est pas toujours dans ce qui est dit ou vécu, mais fait étrangement écho en nous et se fige parfois dans nos esprits. 
Dans le jardin d'un hôtel est une œuvre énigmatique que l'on s'approprie facilement et où l'on peut aussi se prendre les pieds, passer à côté des subtilités de Josipovici et ne pas voir ce détail caché dans le motif du tapis persan.
Du grand art !

Quidam éditeur, 2017, 160 pages. 

* Lire aussi mes chroniques sur :
- Tout passe ;
- Moo Pak ;
- Goldberg : Variations ;
- Infini - l'histoire d'un moment.

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